Philippe Brun liquide les plans sociaux
Philippe Brun liquide les plans sociaux
Publié le lundi 02 septembre 2013 à 14H00 - Vu 77 fois

Le très médiatique Philippe Brun a travaillé sur de nombreux dossiers axonais : MBK, Maulde et Renou, Tasq, Nexans, Essex, Wolber, Atal, Pecquet-Tesson, AR Carton… (Photos : AFP)
QUE SONT-ILS DEVENUS ? - Il y a 14 ans, « l’avocat du peuple » était à Soissons pour tenter de sauver l’outil de travail des 451 salariés de l’usine Wolber-Michelin. Licenciés, ceux-ci se verront finalement réintégrés dans leur usine… en ruine. Depuis Philippe Brun est devenu le bourreau des « coquins », « les patrons du Cac40 ». Ceux-là même qui licencieraient par pur appât du gain.
« Je prends aux riches pour redonner aux pauvres… » Robin des
bois est sorti des fourrés pour rallier les prétoires et a troqué les
collants verts au profit de la robe d'avocat. Hagiographique, Philippe
Brun aime à conter et à soigner son image, sa légende : « Je suis
l'avocat du peuple, des pauvres, le Robin des bois des salariés »,
affirme-t-il.
Le combat de sa vie : dénoncer les licenciements boursiers et
convaincre la justice d'annuler les plans sociaux dépourvus de motif
économique. Depuis 20 ans, il est « aux côtés des travailleurs pour
rétablir l'équilibre », dit-il.
Celui-là même qui aurait été perdu dans les années 70. « Ce sont ce que
j'appelle les Trente perdeuses, rumine l'avocat rémois. Après le choc
pétrolier, la marche arrière a commencé et l'on a inventé les outils de
la précarité avec les débuts de l'intérim, cette polygamie
professionnelle, puis le temps partiel et, avec lui, les travailleurs
pauvres… Depuis, tous les gouvernements, de droite comme de gauche, ont
mis en place et confirmé ces outils de la précarité. Et, à chaque fois,
pour de mauvaises raisons. »
Selon lui, les trois quarts des plans sociaux mis en place en France
n'ont pas de cause économique et se font par pur souci du profit. « Mais
attention, tempère-t-il. Beaucoup de patrons sont responsables et
respectables. Dans les PME familiales, par exemple. Parmi le Cac 40, par
contre, je n'en connais pas. »
De coup d'éclat en coup d'éclat, il affole les plus grands groupes
industriels et les fait régulièrement retourner à leurs chères études.
Parmi ses dossiers phares : Total, Danone « la Rolls-Royce des plans
sociaux », Michelin, STMicroelectronics, Sodimédical, SeaFrance… Il
défraie les chroniques judiciaires et l'on dépeint son portrait dans la
presse nationale.
Tout commence en juillet 1993, quinze jours seulement après qu'il ait
prêté serment. Sept maisons de champagne appartenant au groupe LVMH,
dont Moët et Chandon, décident de mettre à la porte 500 salariés. Ces
derniers se retranchent dans les caves et frappent à la porte de
Philippe Brun. « Je leur propose une solution, c'est du jamais vu !
C'est normal en même temps je ne suis avocat que depuis 15 jours,
s'amuse-t-il. Vous levez le camp dans la nuit et j'obtiens l'annulation
du plan social. » Chose promise, chose due. La justice lui donne raison
et fait plier LVMH. « Le législateur intégrera notre jurisprudence dans
la loi, dix ans plus tard. On ne pourra donc plus licencier pour motif
économique s'il n'y a pas proportionnalité » entre le plan social et la
santé financière de l'entreprise.
Trois ans plus tard et via l'une de ses filiales, Total annonce le
licenciement de 250 personnes. Or, l'entreprise passe outre « la
procédure d'information-consultation du CE [pourtant obligatoire à
l'époque]. C'est un petit grain de sable mais tout compte » pour
Philippe Brun. Il sera débouté jusqu'en 2001 lorsque la cour d'appel de
Paris (précédée par la cour de cassation) lui donne raison. « Le site
n'existe plus mais tout le monde doit être réintégré ».
Août 1999. Rebelote. Cette fois-ci dans l'Aisne. A Soissons. Dans
l'usine de pneumatique pour cycles Wolber, filiale de Michelin, les 451
salariés apprennent leur licenciement (Voir encadré). Cinq ans plus
tard, Philippe Brun les fait réintégrer dans une usine détruite dont la
production a été délocalisée en Asie. Finalement, 20 000 à 50 000 euros
d'indemnités seront cédés à chacun des ex-employés. Conclusion : « ça ne
rend pas un emploi ! »
Souvent accusé d'instrumentaliser les salariés, parfois critiqué sur
ses tarifs, il balaie tout cela d'un revers de main et poursuit son
action. Aidé par la « spéciale » Brun (la réintégration de salariés
licenciés dans des usines qui n'existent plus) qu'il rejouera une
dernière fois à Alcatel.
« Mais, l'UMP va revenir dessus, peste-t-il. C'est terminé, il est
désormais interdit de réintégrer des salariés licenciés si l'emploi
n'est plus disponible ou si le site a fermé. C'est une loi anti-Brun ! »
Les employeurs peu scrupuleux ont, dès lors, une boîte à outils pour
licencier. A l'entendre, il leur suffit donc de détruire l'usine une
fois les licenciements prononcés pour être tranquilles. « Et François
Hollande n'est pas revenu dessus. Bien au contraire… »
Il change donc de méthode. Et mise désormais sur la création de
coopératives. Comme dernièrement avec 400 des 1 600 salariés de feue
SeaFrance, filiale de la SNCF. « Ils ont repris la mer en août et, en un
an, ils ont embauché 212 personnes. Vous connaissez beaucoup
d'entreprises qui augmentent de 50 % leur masse salariale de nos jours
?, demande Philippe Brun qui ne cache pas son appétence pour les idées
politiques du Front de gauche et de Jean-Luc Mélenchon. On ne prendra
pas le pouvoir par le haut, il ne faut pas compter sur Hollande, donc il
faut le prendre par le bas. »
Vraiment ? Et pourquoi pas par le haut ? « Je ne m'engagerai plus dans
des élections. Mais si un jour j'étais appelé pour assurer des
responsabilités politiques je ne dirais pas non, sourit-il avant de
piquer. Moi, je me verrai bien au ministère du Travail. Xavier Bertrand y
est bien arrivé, pourquoi pas moi ? »
Aurélien WALTI
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